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samedi 19 décembre 2015

Les hommes que j'aime

T'aurais pris à coup sûr, ta bagnole, ta 3008, pour aller lui casser la gueule.
Je t'imagine, déjà, ah tu aurais rabâché, tu serais reparti pour un tour et tu n'aurais même plus pensé à ta prochaine chimio. Ça t'aurait donné un nouveau petit projet de faire la peau de ce petit goujat.
Toi qui aimais tant tout prévoir, ce qui bien entendu avait le dont de m'exaspérer...
Je te répondais souvent :" mais comment veux tu que je te réponde alors que je ne sais même pas ce que je vais faire dans 10 minutes!!!" Non mais franchement!
Tu ne m'as jamais dit, non tu ne l'as même pas fait, me dire à quel point, tu m'aimais.
Tu l'as montré mais ça m'arrangeait tellement de me dire que tu le faisais si mal.
Je pouvais te rendre responsable de mes multiples mauvais choix.
Mais je l'ai bien vu à maintes reprises que tu n'en revenais pas.
T'en revenais pas non d'avoir engendré un tel engin.
Je le savais que pour toi j'étais une reine, j'étais ta fille et tu m'aurais assuré un royaume digne de ce nom.
C'était pas vraiment dans tes projets, tout ce qui s'est passé.
Tu aurais été tellement en colère, tellement dévasté, toi qui haïssait tant l'infidélité.
T'aurais préféré crever que de tromper un jour ta femme, et on sait bien pourquoi.
Un jour, la meilleure amie de maman m'a dit que des hommes comme toi c'était tellement rare et je lui en ai tellement voulu de me dire ça.
Je lui en ai voulu, pourquoi? Parce que ça me renvoyait à mon propre échec, de n'avoir pas dégoté un tel oiseau. Certes bien pénible comme on en fait peu, parce que franchement il fallait te fader.
Mais ces valeurs, tes principes, j'aurais du ouvrir les yeux merde. Savoir qu'une vie de couple ne se résumait pas à être en pâmoison devant un physique d'apollon, et un QI supérieur à la moyenne, que la vie c'était pas ça.
La vie c'était boire un petit apéro en tête à tête, s'embrasser fougueusement après trente ans de mariage en rentrant du boulot, des dimanche matins a bricoler, le sourire du plombier bien en évidence, afin d'améliorer le quotidien de toute la maisonnée. Et gueuler parce qu'il y avait que ta fille qui savait bricoler avec toi dans cette foutue baraque, et surtout savoir qu'avec elle, tu risquais à tout moment de te prendre le tournevis dans la figure, alors bon, tu prenais des gants quand même.
Quand j'y pense, qu'est ce qu'on a pu se mettre.
On avait une relation sacrément passionnelle quand j'y repense, c'était vraiment je t'aime moi non plus. Mais maintenant que toi aussi tu t'es fait la malle, je me dis que c'était tellement drôle.
Drôle de toujours et toujours être en conflit l'un avec l'autre, mais envers et contre tout, ne pas pouvoir se passer de l'autre.
Tu te rappelles? Tu m'appelais tous les lundis! Si je décrochais, j'avais droit à un monologue de 25 minutes. Et si je ne décrochais pas, tu me laissais un message où tu disais qu'il fallait que je te rappelle le plus vite possible! Non seulement ça me faisait péter un câble parce que tu ne disais pas pourquoi, et parce que je savais très bien que tu voulais que je rappelle pour me prendre en otage avec ton monologue de 25 minutes. Mais je me faisais tout le temps avoir, au cas où...
Le conflit, la relation passionnelle...
C'est peut être ça finalement que j'ai reproduit, malgré moi avec lui.
Avec l'unique, la seule différence que lui n'est pas et ne sera jamais toi en fait.
Et que son amour n'est pas inconditionnel, oh loin de moi cette idée.
Il m'a aimée, papa, je t'assure. Mais pas de manière inconditionnelle non, et puis lorsque la passion s'est éteinte , au lieu de rechercher la complicité et l'assurance d'un foyer bien construit, il s'en est allé la chercher auprès d'une autre. Bien moins jolie, brillante et  déterminée que moi, mais que veux tu?
Tu verrais, elle ne te plairait pas.
Je t'imagine me regarder d'un air démuni et désolé, me toiser par dessus tes petites lunettes et me dire des trucs que j'aurais certainement pas envie d'entendre. Des trucs chiants et dégradants pour lui que j'ai tant aimé, que j'ai tant adulé et mis sur un piédestal malgré toutes ses faiblesses.
Et j'aurais même l'audace de te répondre: " eh oh mollo, c'est quand même le père de tes petits fils".
Et là, forcément je me ferais de la peine à moi toute seule de continuer de le défendre alors qu'il indéfendable en définitif .
Mais qu'est ce que tu veux que je te dise? C'est viscéral...


Tu le sais oui, que quand je t'ai vu la dernière fois que tu étais bien, tu m'as dit dit que tu étais  terriblement déçu. Je l'ai défendu envers et contre tout.
Quand tu m'as eue au téléphone en larmes, je t'ai dit " tu sais ce sont les hormones, papa, une femme enceinte est bourrée d'hormones , et je suis si fatiguée si tu savais".
Toi aussi, tu étais fatigué, mais tu ne le savais pas, mais tu ne sauras jamais.

Peut être même que devant tant de chagrin et d'incompréhension, tu fumerais une cigarette avec moi, toi qui avait arrêté sur un coup de tête.
T'aurais même été capable d'ouvrir une bouteille de champagne, peut être même que tu aurais balancé deux trois blagues de papa bien senties, qui m'auraient fait pleurer et rire en même temps.
Et j'aurais été rassurée de te savoir avec moi, parce que tu sais, pour maman c'est pas la joie tous les jours. Mais elle est forte, elle se bat sacrément bien, ah ça te couperait la chique ça. Toi qui lui étais
tellement indispensable.
Quand j'y pense, je me dis que vous faites sacrément chier les deux là avec votre couple uni, vous
imaginez la pression un peu pour moi?
Eh voilà. Cette foutue pression... A laquelle nous avons succombé, je sais bien ce que tu dirais, il était pas de taille, je sais bien, non il n'a jamais été à la hauteur.
T'inquiète, va, t'es gentil, tu vas me laisser deux trois minutes pour me refaire. Pour élever tes petits fils correctement loin de cet exemple minable d'ailleurs...
Tu vas me laisser me reconstruire aussi, reprendre à courir, parce que tu sais, je fume beaucoup en ce moment. Non tu n'as rien a dire, t'as fait pareil...
Mais après je vais galoper, tu vas halluciner mon cher, je t'aurais mis une rouste terrible.
Et tu seras fier oui, d'avoir engendré un tel engin...
Et souvent, je me rappelle qu'au moment de m'amener à l'autel, tu m'as engueulée comme du poisson pourri. J'en revenais pas... Tu le savais..
"Et j'irai comme je suis, non je ne changerai rien, à toutes mes folies, à mon feu dans mes mains! A mon amour sans pudeur, à mon amour qui se déchaîne! Et même ça fait peut! Ainsi aime l'homme que j'aime". Parce qu'en fait, il n'y en avait plus qu'un...

lundi 14 décembre 2015

L'avant après

Il y a eu un avant évidemment puis un après inévitablement.
L'avant des premiers frissons, un cœur qui bat la chamade à en faire exploser ma cage thoracique à sept heures du mat à Montparnasse. Cette impression vertigineuse que le meilleur était à venir, mon dieu, si j'avais su.
Mes yeux brillaient, mon cerveau était en ébullition à cette époque, d'imaginer toutes les choses forcément merveilleuses qu'on accomplirait ensemble.
Il a rapidement su que "pars" voulait dire "reste je t'en supplie", "ne me touche pas" signifiait "serre moi vite dans tes bras, serre moi jusqu'à la nuit des temps". Il a su dompter mes démons et même peut être les éloigner.
Il a su comprendre l'ambivalence qui me dévorait. Un jour après m'avoir lue, il s'était étonné de réaliser à quel point j'étais loin de l'image, de la carapace que j'arborais avec assurance et détachement. Et c'est cette découverte qui l'avait rendu fou amoureux de moi. Ni plus ni moins, comme découvrir un petit trésor caché et ne plus jamais vouloir s'en séparer...
Il y a eu la magie des premiers instants comme dans toutes les histoires, des sourires sans mot à n'en plus finir. Il y a eu cette complicité qui nous fait penser que plus jamais on ne vivra ça, et c'est tant mieux puisqu'après tout c'est le bon.
Plus jamais on ne vivra ça c'est plutôt ça que j'aurais du retenir de la phrase précédente.
Il y a des valises qui se posent pour vivre mieux à deux, et la magie des premiers moments s'évapore.
Il y a la naissance d'un enfant qui concrétise l'amour de deux êtres. On ne peut plus banal.
Puis tout s'enchaîne à l'envers, l'achat de l'appartement, le mariage, ils ne manquent plus que le scénic et le labrador pour que cette parfaite petite famille s'épanouisse pleinement.
J'ai longtemps pensé, naïvement que le mariage, le passage devant dieu, toute cette mascarade, m'immuniserait du pire. J'ai rêvé que le oui serait pour la vie, qu'on aurait des hauts et des bas, comme tout le monde en fait et qu'on vieillirait ensemble. Foutaise.

"Elle appuie là où ça fait mal, jusqu'à ce que je craque, jusqu'à ce que mes valeurs s'effondrent et que je passe à l'acte, il y aura l'avant et l'après comme une dose d'adrénaline sulfureusement injectée..."
Dire que je n'ai rien vu venir serait d'une hérésie affligeante. Je l'ai su au fond de moi dès la minute où tout cela avait du se produire mais que veux tu. Qu'est ce que tu veux que je te dise?
"Cette nuit, tu n'as pas dormi, je t'ai retrouvée dans le noir, les yeux gonflés par le mépris, la tristesse et la rage, la voix cassée par les larmes, tu veux connaître tous les les détails, où? Quand? Comment? Qu'est ce qu'elle a de plus que toi?"....
Non. Non, je ne le souhaite à personne, pas même à elle. Cette sensation d'une trappe qui s'ouvre sous tes pieds, cette sensation d'avoir vécu jusqu'à maintenant dans une vie parallèle ou tout, finalement, tout est faux. Cette envie de te faire effacer la mémoire comme dans Eternal sushine of the spotless mind.
 C'est ça que j'aurais voulu à ce moment ignoble, mais au lieu de ça, un petit être à 6h du matin est venu coller son petit corps chaud contre le mien, et j'ai su à ce moment là, j'ai su tout l'amour qu'il me restait encore pour lui, et j'ai su qu'il y aurait un après, qu'il faudrait composer, avec, j'ai su que rien , plus rien ne serait pareil.
Que toutes mes certitudes, mes grands principes voleraient en éclats, et j'ai su que je le ferai par
amour, étant qu'il m'en restait toute une flopée.
Qui se relève d'un truc pareil, qui, qu'il lève la main, qu'il m'explique comment faire pour regarder celui qu'on aime par dessus tout devenir un type lambda.
Croire avoir décroché un gros poisson et se retrouver affublée d'une petite sardine.
Et se battre encore et toujours, recaler sa fierté, lever la tête, surtout la garder bien haute.
Ne plus oser sortir sans être sur son 31, de peur qu'on puisse dire que c'était mérité.
Puis dans ce tourbillon, ne pas s'en sortir. Ne pas y arriver.
Tout l'or du monde n'aurait pas suffi, quand le miroir est cassé, tu sais bien qu'on ne voit que la fissure lorsqu'on contemple son reflet dedans. Des heures et des heures à recoller les morceaux n'auront pas suffi.
Tout l'amour du monde n'a pas suffi.

J'en suis désolée, évidemment. J'en suis dévastée forcément. Je suis rongée par le chagrin, le désespoir, et la déception d'une vie que je n'ai pas choisie, ni pour moi, ni pour eux.
Et aujourd'hui, quoi te dire à part que chaque homme qui me reluque dans la rue, accompagné de sa femme, de sa copine, me donne envie d'hurler, de l'insulter, de faire un scandale, et je souffre en silence.
Quoi te dire à part que j'évite de regarder les gens dans les yeux de peur qu'ils me demandent si ça va.
De peur de fondre en larmes et de me confondre en excuses, de m'en vouloir d'être si minable,
Dis moi, je t'en prie que ça ne durera pas trop longtemps. Dis moi que je vais voler loin de tout ça.
L'autre jour je suis tombée sur une chanson et voilà ce que j'ai entendu:"Je sais, on ira pas sur Mars, car c'est là qu'habite la garce qui t'a volé ton ancien mec, et oublie tes nuits sans sommeil, de l'infini jusqu'au soleil, je t'apprendrai à vivre avec".
Naïve que je suis, j'ai pris ça pour un signe, mais je voudrais te dire que pour  veiller sur moi, c'est maintenant où jamais.
Et puis si toi, non plus, tu n'es pas à la hauteur, il me reste encore et encore des femmes, toujours, toutes autour de moi. Ça va aller, ça va aller, je te promets, demain, j'arriverai à regarder quelqu'un dans les yeux, j'y arriverai. Et après demain, peut être que je mangerai et que je fumerai moins, promis, lançons donc des challenges. Et la semaine prochaine, peut être même que je n'y penserai plus, einh? dis le moi, dis moi que demain sera toujours demain.